COVID-19 et licenciements…
Grossesse/licenciement nul/sort des revenus de remplacement.
Une salariée licenciée demande la nullité du licenciement pour discrimination liée à son état de grossesse, ainsi que la réintégration, qu’elle obtient.
La Cour d’Appel confirme le jugement mais demande à la salariée de restituer à l’employeur les montants qu’elle a perçus au titre des revenus de remplacement (chômage).
Dans les faits la Cour estime que la salariée a droit aux salaires qu’elle aurait perçus si elle avait continué à travailler mais que le montant total dû doit être diminué des sommes perçues au titre des revenus de remplacement (Pôle Emploi, CPAM,..).
La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel sur le fondement des articles L1132-1 et L1132-4 du code du travail, ainsi que de l’alinéa 3 du préambule de la Constitution Française du 27 octobre 1946.
Pour la Cour de Cassation, tout licenciement prononcé à l’égard d’une salariée en raison de son état de grossesse est nul ; que, dès lors qu’un tel licenciement caractérise une atteinte au principe d’égalité de droits entre l’homme et la femme, garanti par l’alinéa 3 précité, la salariée qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période.
Cass. Soc. 29 janvier 2020, n°18-21.862 Société Marionnaud Lafayette.
COVID 19 et force majeure.
Nombre d’employeurs ont profité de la crise sanitaire pour procéder à la rupture de contrats de travail avec comme motivation la force majeure.
La Cour de Cassation ne s’est pas encore prononcée sur ce point et le but de cet article est de donner quelques pistes de contestation.
La force majeure est définie par l’article 1218 du code civil :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
Il convient alors de vérifier si les conditions sont remplies.
- Un événement échappant au contrôle du débiteur
Pas de doute, cette condition est remplie (le gouvernement lui-même a perdu le contrôle de l’épidémie). - Un événement qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat
Difficile, là aussi, de penser que le lors de la conclusion du contrat, les employeurs pouvaient prendre en compte un virus non connu. Il n’en va pas de même concernant les contrats signés postérieurement à la connaissance de l’épidémie, même si ce sont les tribunaux qui resteront seuls juges. - Un événement dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées
Bien sûr la position patronale est de dire que rien ne permet d’éviter les effets de l’épidémie.
Sauf que :
Le gouvernement a pris des mesures sans précédent pour préserver l’emploi (activité partielle généralisée, étendue et prolongée).
Les employeurs ont donc à leur disposition des mesures qui permettent d’éviter les licenciements en décidant de mettre les salariés en activité partielle. La rupture du contrat pour force majeure ne se justifie plus, un des éléments n’étant pas respecté. Les juges pourraient malgré tout en décider autrement.
Les tribunaux ont déjà rejeté la force majeure dans le cadre d’autres épidémies :
- La grippe H1N1 (CA Besançon, 08/01/2014, N° 12.0229)
- La grippe aviaire (CA Toulouse, 03/10/2019, N° 19.01579).
- Et même le bacille de la peste (Cour d’appel Paris, 25/09/1996, N° 08159)
Côté patronal l’argument sur le nombre de morts sans relation avec les autres épidémies sera avancé. Plus de 700.000 morts. Toutefois les chiffres de l’OMS concernant la grippe annuelle indiquent une fourchette de 290.000 à 650.000 morts, ce qui est très proche. Pourra-t-on alors rompre des contrats de travail lors d’une grippe hivernale habituelle ?
Cette fois encore les juges resteront souverains dans leur décision.
On pourra également invoquer l’imprévision (modification de l’équilibre du contrat) édicté par l’article 1195 du Code Civil qui permet, lorsque l’exécution du contrat est rendue excessivement onéreuse pour une partie (l’employeur / reste à charge ou le salarié/ diminution salaire par application des règles de l’activité partielle), de demander une renégociation du contrat.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation.
À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.
Il existe donc des solutions qui permettent d’éviter les licenciements, attendons les décisions des tribunaux.
Attention : la position récente de la Cour d’appel de Colmar (CA de Colmar, 12/03/2020 N° 20.01098) ne peut servir de jurisprudence pour tenter de justifier les ruptures de contrat de travail intervenues car elle traite d’un cas particulier (l’absence du prévenu est validée , sa sécurité ne pouvant être assurée pendant le transfert.).
Nous vous tiendrons informés dès qu’une position claire et non équivoque sera connue.